L’offensive du Têt de 1968 et ses conséquences

Contexte

En 1967 d’un point de vue militaire la guerre ne tournait pas à l’avantage des VC/ANV incapables de concurrencer la puissance de feu américaine et sa mobilité. Les leaders du parti étaient sous pression et devaient enclencher une action d’envergure pour unifier le pays avant la mort de Ho Chi Minh. Le général Giap voulait opérer un coup de maitre pour mettre fin à la guerre. Il souhaitait reproduire son triomphe sur les Français de Dien Bien Phu.
Son plan était emprunté à la doctrine communiste chinoise basée sur le concept d’offensive générale aboutissant à un ralliement global à la cause communiste.  L’offensive du Têt consistait à sortir de l’impasse stratégique d’un point de vue militaire après les intenses combats de l’année 67.

Il s’agissait d’un changement majeur dans la stratégie de l’ANV. Précédemment les combats s’étaient limités aux zones rurales, l’offensive du Têt devait faire basculer les combats au sein des villes sud-vietnamiennes. L’offensive était basée sur 4 hypothèses :
1)    L’ARVN allait déserter ou passer du côté communiste,
2)    Le gouvernement sud-vietnamien n’avait pas le soutien de la population,
3)    Le gouvernement n’aimait pas les américains,
4)    Et un parallèle en termes de stratégie avec la situation française en 1953-1954 au moment de Dien Bien Phu.

Le plan comportait 3 parties : Le militaire (le levier décisif); Le politique ; Le prosélytisme de masse. L’effort militaire devait être exécuté sur plusieurs mois en 3 phases :
1)    De septembre à décembre 1967, des attaques d’ampleur de l’ANV sur la périphérie du sud-Vietnam, des attaques aux frontières pour faire sortir les américains des zones peuplées et offrir de meilleurs conditions pour des attaques VC contre des objectifs prioritaires au sein des villes
2)    une offensive sur tout le territoire par les forces régulières VC, en évitant les combats avec les unités américaines, en ciblant les villes du sud, les unités ARVN, les centres de communications et de commandement, les bases aériennes.
3)    des attaques à grande échelle et conventionnelles une fois le soulèvement populaire effectué au sud-Vietnam

Le soulèvement général attendu de la population sud-vietnamienne au profit des forces communistes constituait la clé de cette offensive du Têt pour faire s’effondrer le gouvernement sud-vietnamien et convaincre les américains que la guerre ne pourrait pas être gagnée.
Cependant la phase préparatoire à l’offensive dès l’automne 67 avait été une grande déception, les forces VC et ANV ayant subi des pertes sanglantes dans les séries de batailles dans les régions frontalières et autour de la DMZ.  
Les batailles de Loc Ninh et Dak To notamment avaient fait partie de la campagne périphérique pour faire sortir les forces US des villes et pour apporter de l’expérience aux soldats dans des combats conventionnels à large déploiement de troupes.
L’offensive générale était planifiée pour le Têt fin janvier de l’année 1968 commencement de l’année lunaire et de la période de congés la plus importante au Vietnam. Le détail des plans militaires avaient toutefois été gardé dans le plus grand secret, le timing et les objectifs de l’attaque n’avaient pas été communiqués aux officiers de commandement sur le terrain jusqu’au dernier moment.

L’offensive générale

Courant janvier 1968 plusieurs unités ANV commencèrent à converger vers la base américaine avancée isolée de Khe Sanh dans la CTZ I près de la DMZ.  Giap espérait y renouveler son exploit de Dien Bien Phu. Entre le 21 janvier 1968 et le lancement de l’offensive générale du Têt le 31 janvier, l’attention de forces US et de son commandement se porta massivement sur Khe Sanh, à tel point que Khe Sanh devint même une obsession pour le président américain Lyndon Johnson.
Parallèlement les communistes avaient utilisé la trêve de Noël 67 pour placer les forces aux positions prévues et effectuer les opérations de reconnaissance nécessaires. Le taux d’infiltration de troupes communistes en provenance du nord s’était donc intensifié et avait atteint les 20 000 par mois à la fin de l’année 67. Depuis l’automne déjà, le commandement américain s’attendait à une attaque importante au début de l’année 68. La zone de la DMZ était selon les analystes celles qui subirait le plus gros de l’attaque et des renfort de troupes avaient été prévu pour les postes avancés dans les régions frontières les plus au nord du sud-Vietnam, en conséquence la sécurité de Saigon avait été transférée aux forces de l’ARVN forces.

En fait dès novembre 1967 des éléments de la 101st Airborne Division avaient mis la main  sur un document communiste annonçant l’offensive générale, mais les analystes de la CIA l’avaient classé sans suite le considérant comme de la pure propagande n’envisageant même pas que les communistes puissent avoir la capacité d’exécuter un plan de cette ampleur.
Pourtant le commandement US de la II FFV à Long Binh à environ 20 km de Saigon ne tomba pas dans le piège de la campagne périphérique et s’inquiéta de l’augmentation sans précédent des communications radios communistes autour de la capitale combinées à de plus en plus faibles contacts de ses unités avec l’ennemi dans la zone des régions frontalières.
Le 10 janvier 1968 le General William Westmoreland fut convaincu par les arguments et accepta de renforcer la zone autour de Saigon avec des bataillons de combats complémentaires. Au final lorsque l’attaque fut déclenchée, les forces US avaient été doublées sur la zone de la capitale (27 bataillons) ce qui s’avéra déterminant pour la suite.    
Toutefois l’intensité et la simultanéité des attaques sur des zones urbaines n’avaient pas été prévues. Les communistes réussirent donc à préserver une partie de l’effet de surprise sur le plan tactique puisque le timing, l’intensité, la coordination n’avaient pas été anticipés.

Les jours précédents le Têt, les forces américaines et sud-vietnamiennes étaient en fait assez peu mobilisées malgré les différents signes annonciateurs de l’offensive. Officiellement le Nord avait annoncé en octobre une trêve de 7 jours entre le 27 janvier et le 3 février 68 pour les festivités.
 A la fin de janvier 68 plus de la moitié des effectifs de l’ARVN était donc en permission pour la fête du nouvel an lunaire. Suite aux informations américaines des demandes furent adressées au commandement de l’ARVN afin que les unités restent mobilisées, mais les principaux intéressés, n'en saisirent cependant pas l'urgence et les ordres annulant les départs à l’occasion de la trêve arrivèrent trop tard ou furent ignorés.

L’attaque générale communiste avait été prévue de manière synchronisée le 31 janvier mais le secret autour de l’offensive voulu par Giap lui joua en fait des tours en termes de coordination. Le 30 janvier l’attaque démarra dans certaines régions, le commandement VC local avait démarré 24h trop tôt apparemment se basant sur le calendrier lunaire d’application au sud et non sur base de celui de la république populaire communiste du Vietnam.  
Que ce soit par accident ou volontairement, la première vague d’attaques commença peu après minuit le 30 janvier quand les cinq capitales provinciales dans la CTZ II et Da Nang dans la CTZ I, furent attaquées. Nha Trang, un des quartiers généraux des forces américaines, fut la première touchée, suivie peu après de Buôn Ma Thuột, Kontum, Hôi An, Tuy Hoa, Qui Nhon, et Pleiku.
Ces attaques VC commençaient par des tirs de mortiers et de roquettes suivis par des assauts d’une force équivalente à un bataillon sur les objectifs prioritaires renseignés par les cadres locaux du VC. Les opérations cependant ne furent pas bien coordonnées au niveau local et, au lever du jour, presque toutes les forces communistes avaient été repoussées de leur objectif.
 En résultat à cette attaque prématurée la trêve fut officiellement annulée et les troupes de l’ARVN rappelées au sein de leurs unités pour prendre leur positions de défense, de même les forces US se mirent en alerte et se déplacèrent vers leurs positions de blocages dans les zones clés. Giap avait perdu l’élément de surprise.  

Malgré tout, à partir d’1h30 du matin le 31 janvier, les forces du VC et de l’ANV se lancèrent à l’assaut : en premier lieu le palais présidentiel de Saigon fut attaqué, puis à 3h40 la ville de Hué, avant la fin de la journée 5 des 6 villes autonomes, 36 des 44 capitales provinciales et 64 des 245 capitales de district étaient sous le feu ennemi :
Saigon, Cholon, et Gia Dinh dans la CSZ
Quang Tri, Hue, Quang Tin, Tam Ky et Quảng Ngãi ainsi que des bases US à Phu Bai et Chu Lai dans la CTZ I,
Phan Thiết, Tuy Hoa et des installations U.S. à Bong Son et An Khe dans la CTZ II,
Cần Thơ et Vĩnh Long dans la CTZ IV,
Le jour suivant; Bien Hoa, Long Thanh, Bình Dương dans la CTZ III et Kien Hoa, Dinh Tuong, Go Cong, Kiên Giang, Vinh Binh, Ben Tre, et Kien Tuong dans la CTZ IV
La dernière attaque de l’opération initiale fut lancée contre Bac Lieu dans la CTZ IV le 10 février.
Environ 84 000 soldats communistes participèrent aux attaques tandis que des milliers d’autres restent en réserve.

Dans la majorité des cas la défense contre l’offensive générale fut prise en charge par les autorités sud-vietnamiennes. Des milices locales ou des forces de l’ARVN, soutenues par la police nationale, rejetèrent généralement les assaillants en deux ou trois jours, parfois même en quelques heures ; mais des combats plus lourds se poursuivent plusieurs jours à Kontum, Ban Me Thuot, Phan Thiet, Can Tho, et Ben Tre. L’issue fut généralement déterminée par la compétence du commandement local, soit impressionnant, soit lâche et incompétent. Cependant face à cette situation de crise sans précédent, et contrairement à l’attente des communistes,  aucune unité de l’ARVN ne fit défection pour le Nord.
A l’exception de Khe Sanh, de l’ancienne capitale de Hué et de la zone Saigon les combats furent stoppés en quelques jours souvent sous la pression des tirs d’artillerie et des bombardements américains provoquant la destruction étendue des zones urbaines. Hué fut reprise le 25 février et les environs de Saigon furent finalement nettoyés le 7 mars. A la fin mars les troupes ANV massées autour de Khe Sanh finirent par lâcher prise devant la puissance de feu américaine.  

Les estimations américaines faisaient état durant la première phase du Têt (30 janvier - 8 avril) d’approximativement 45 000 soldats VC/ANV KIA, et un nombre inconnu de WIA. Pendant des années, cette estimation fut considérée comme excessive, mais elle fut confirmée par Stanley Karnow à Hanoï en 1981. Durant la même période les Sud Vietnamiens subirent 2 788 KIA, 8 299 WIA et 587 MIA. Les États-Unis et les autres alliées subirent 1536 KIA, 7764 WIA, et 11 MIA, plus de 14000 civils sud-vietnamiens avaient également perdus la vie.  
L’offensive militaire générale coordonnée par les communistes sur les principales villes sud-Vietnamiennes avait été notamment particulièrement concentrée sur les villes de Saigon et Hué, en complément des engagements déjà en cours à Khe Sanh et qui avaient nécessité la conservation d’un contingent important jugé nécessaire notamment pour protéger les lignes d’approvisionnement communiste vers le Sud.

A Saigon

Même si Saigon représentait le point central de l’offensive, les communistes ne recherchaient pas un siège complet de la capitale mais ciblaient des objectifs prioritaires : les quartiers généraux du commandement de l’ARVN, le Palais présidentiel, l’ambassade américaine, la base navale de Long Binh, l’aéroport de Tan Son Nhut et la station de radio nationale. Le plan nécessitait de tenir ces position 48 heures avant que les unités soient relevées. Les commandos suicides en attaquant ces objectifs causèrent de nombreux dégâts, plongeant la ville dans la tourmente.
       


L’attaque de l’ambassade américaine notamment eut un impact significatif sur l’opinion publique américaine et sur sa perception du contrôle militaire exercé par les troupes américaines.
A 02H45 du matin le 31 janvier une équipe de sapeurs VC de 19 hommes lança l’attaque sur l’ambassade. L’ambassade américaine à Saigon était un bâtiment massif de six étages situé dans un large complexe et même si les attaques communistes avaient déjà débutées depuis plus d’une heure dans la capitale de Saigon, les gardes de l’ambassade n’avaient pas été prévenus et donc n’avaient pas été renforcés.

Les VC percèrent un trou dans le mur de l’enceinte à l’explosif tuant plusieurs MP, puis ils entrèrent dans les jardins. Les quelques gardes encore présents se réfugièrent dans le building et verrouillèrent les portes.  Même si les VC disposaient d’une réserve suffisante en explosif ils ne passèrent pas à l’action, leur officier ayant été tué dans l’attaque initiale et leur tentative d’accéder au bâtiment ayant échoué, les sapeurs errèrent autour de l’ambassade jusqu’à ce que des renforts américains les éliminent. À 09 h 20, environ 6 heures après l’attaque,  l’ambassade et ses environs étaient sécurisés.



En fait, des renseignements de mauvaise qualité et une coordination locale très faible compromirent les attaques communistes dès leur déclenchement au sein de la capitale. Les communistes avaient notamment prévu d’utiliser des armes lourdes et autres chars à saisir dans certains quartiers militaire de l’ARVN, mais les chars avaient été déplacés quelques semaines auparavant et les pièces d’artillerie étaient hors d'usage. Une des cibles les plus importantes était la station de radio nationale à partir de laquelle le VC devait diffuser un enregistrement de Hồ Chí Minh annonçant la libération de Saigon et appelant à un soulèvement général contre le régime de Thieu. Elle fut prise d’assaut et tenue par les assaillants pendant 6 heures mais sans que ces derniers ne réussissent à diffuser le message, les lignes ayant été coupées à distance depuis un studio relais situé ailleurs dans la capitale.
Partout dans la ville, se basant sur des « listes noires » d’officiers militaires et de fonctionnaires du régime sud-vietnamiens, les VC exécutèrent tous ceux qu’ils trouvèrent. La brutalité engendrant la brutalité : le 1er février, le général Nguyễn Ngọc Loan, chef de la force de police nationale, exécuta publiquement un officier du VC capturé en habits civils devant un photographe et un caméraman. Ce qui n’était pas expliqué lorsque l’image fut diffusée c’est que le suspect venait de prendre part au meurtre d’un des officiers de confiance de Loan, ainsi que de toute sa famille.

Un total de 35 bataillons de communistes, dont la plupart des membres travaillaient et vivaient dans la ville depuis des années, avait été affecté aux objectifs dans Saigon. À l’aube, la majorité des attaques dans le centre-ville était déjà maitrisées mais de sévères combats entre le VC et les forces alliées eurent lieu dans le quartier chinois de Cholon près de la route Phu Tho, utilisé comme centre de commandement par le VC. Un combat de rue, maison par maison, se déroula le 4 février, les habitants de Cholon reçurent l'ordre de quitter leur maison et la zone fut déclarée Free Fire Zone. La bataille se termina le 7 mars grâce au renfort de troupes d'élite sud-vietnamiennes.

A Hué

La bataille de Hué fut peut-être la plus sanglante de la guerre du Vietnam durant 26 jours. Hué qui avait subi l’assaut de 12 000 soldats ANV/VC resta aux mains des communistes jusqu’à fin février 68. La cité impériale de Hué fut attaquée par 10 bataillons de l’ANV et 6 bataillons VC et passa presque complétement sous contrôle communiste.
À 03h40 du matin dans la brume du 31 janvier 68, les positions alliées de la cité impériale de Hué furent attaquées. Les défenseurs de l’ARVN parvinrent à maintenir leurs positions, mais la majorité de la citadelle tomba aux mains des communistes. Une bataille sanglante s’en suivit.
Durant cette période le massacre de Hué eut lieu, environ 2 à 3 000 officiels du gouvernement, religieux ou de la police, ainsi que des expatriés furent exécutés par les communistes. L’étendue des massacres de civils réalisés par les communistes fut seulement découverte les mois et années qui suivirent avec la mise au jour successive de fosses communes jusqu’en 1970. Environ 2800 corps furent découverts et 2000 autres personnes étaient portées disparues. La cause de ces exécutions demeure controversée.
 
L’ARVN et 3 bataillons de Marines totalement en sous-effectif par rapport à l’ennemi, soit moins de 2500 hommes, combattirent et réussir à battre à plate couture plus de 10 000 soldats ennemis retranchés dans la ville, libérant enfin Hué.



A cause de sa forte richesse architecturale, les forces US n’eurent pas recours de manière massive aux frappes d’artillerie ou aérienne dans la ville de Hué, du moins au début. A la place les Marines de la 1st Division et des unités de l’ARVN durent s’engager dans un nettoyage de la ville rue après rue, maison après maison, une forme mortelle de combat que les américains n’avaient plus trop rencontrée depuis les combats de la seconde guerre mondiale, et pour laquelle les soldats actuellement sur le terrain n’avaient pas été entrainés. Durant presque tout le mois de février ils se frayèrent un chemin vers la citadelle, une zone fortifiée d’environ 5 km2 qui fut finalement reprise à l’ANV après 4 jours d’affrontement.
 
Les alliés estimèrent que les forces ANV/VC avaient subies entre 2 500 et 5 000 KIA et 89 CIA dans la ville et les alentours pour 216 soldats US KIA et 1609 WIA et 421 soldats ARVN KIA, 2123 WIA et 31 MIA. Quelques milliers d’autres vies furent perdues parmi les civils pris dans les feux croisés de la bataille et 116 000 civils se retrouvèrent sans abris sur une population initiale de 140 000. Après la reprise de la ville.

A Khe Sanh

La bataille de Khe Sanh fut peut-être la plus longue de toute la guerre du Vietnam. Khe Sanh était une base avancée américaine juste au sud de la DMZ et disposait également d’une piste d’atterrissage. Selon le commandement nord-Vietnamien, l’attaque déclenchée le 21 janvier répondait à deux objectifs : Une tactique de diversion pour attirer l’attention des américains et les retirer du futur théâtre d’opération de l’offensive du Têt, mais également d’empêcher que les forces militaires de la base n’attaquent les transports de marchandises et de troupes en mouvement vers le sud à travers la piste Ho Chi Minh.

3 divisions de l’ANV soit un total d’approximativement 20 000 hommes déclenchèrent le siège des 77 jours de Khe Sanh face à 6 000 marines. Tout au long de la bataille qui dura jusqu’au 8 avril, les Marines furent soumis à des tirs d’artillerie de grande ampleur combinés avec des attaques de petites unités d’infanterie de manière sporadique. Sans engagements majeurs de troupes au sol, la bataille s’avéra largement un duel entre les artilleurs de chaque camp, auquel s’ajoutaient du côté américain des frappes aériennes notamment des bombardements massifs par les B-52. Le ravitaillement par la route n’étant plus possible et devant la difficulté grandissante du ravitaillement classique par les avions de transport exposés aux tirs ennemis, une solution de ravitaillement innovatrice fut trouvée, passant par l’utilisation d’avions de combat en combinaison avec des hélicoptères, elle permit de maintenir en permanence le ravitaillement. 

Les médias américains qui couvrirent le siège firent évidemment de nombreuses comparaisons pessimistes par rapport à Dien Bien Phu qui avait conduit à la défaite française durant la guerre d’Indochine de 1946 à 1954.
Le 31 mars, la 1st Cavalry division US, des unités du 1st et 26th Infantry Regiment de Marines, et la 2ème force aéroportée sud-vietnamienne, commencèrent une attaque le long de la route 9. C'était le début de l'opération Pegasus. Les unités de Marines et les sud-vietnamiens avançaient le long de la route et, dans le même temps, la 1st Cavalry division protégeait les flancs de la colonne de secours en allant inspecter et neutraliser les positions nord-vietnamiennes dans les collines au nord et au sud de la route. Au début de l'après-midi du 6 avril, les premières unités de rangers sud-vietnamiens atteignirent la base de Khe Sanh. Deux jours plus tard, la route 9 en partie détruite était de nouveau libre et praticable, après l’intervention des troupes du génie. La 1st Cav Division atteignit la base, pour relever les Marines. L'opération Pegasus s’acheva officiellement le 14 avril, lorsque les unités vietnamiennes et la 1st Cav atteignirent tous les postes isolés sur les plateaux alentours.

Là, ils constatèrent les effets des bombardements de l'opération Niagara en découvrant des centaines de Nord-Vietnamiens morts. Au final l’ANV rompit le combat et chaque camp considéra que la bataille avait servi sa cause. Les marines annoncèrent 8 000 ANV KIA et considérablement plus de WIA pour 205 marines KIA.
La 26th Marine division se trouva sous les feux médiatiques après le 18 avril. Le 23 mai, elle reçut une citation présidentielle de la part du président Johnson. La base de Khe Sanh fut ensuite largement reconstruite, mais seulement quelques positions d'artillerie continuèrent à participer au soutien d'opérations dans la province de Quang tri. Quand il devint clair que le président Johnson n'approuverait pas d'expansion du conflit au Laos limitrophe en raison de la situation politique difficile aux USA, il fut décidé d'évacuer la base, seulement un mois après la citation présidentielle. Le fait que la base de Khe Sanh soit abandonnée le 23 Juin 1968, finissant par être classée comme une zone sans valeur militaire conduisit inévitablement à encourager au sein de l’opinion publique le sentiment de futilité concernant cette bataille et même l’engagement au Vietnam dans son ensemble.

Les phases II et III de l’offensive générale

Pour accroître leur position politique au moment des accords de Paris, qui s’ouvraient le 13 mai, les Nord-Vietnamiens lancèrent la deuxième phase de leur offensive fin avril et début mai. Le renseignement américain estimait qu’entre février et mai les Nord-Vietnamiens avaient dépêché 50 000 hommes par la piste Ho Chi Minh pour remplacer les pertes survenues dans les précédents combats. Une des batailles les plus longues de la guerre se déroula du 29 avril au 30 mai près de la base américaine de Dong Ha : la bataille de Dai Do, les Nord-Vietnamiens y perdirent 2100 hommes après avoir infligés aux alliés 290 KIA et 946 WIA.
Tôt le matin du 4 mai, des unités communistes initièrent la seconde phase de l’offensive (parfois appelée « Mini-Tet ») en attaquant 119 cibles à travers le Sud Vietnam, dont Saigon. Cette fois l’élément de surprise était totalement absent. La plupart des forces furent interceptées même si le chaos régna dans la capitale.
Les forces américaines dans la province de Quang Tin subirent une défaite durant la bataille de Kham Duc, le 10 mai. Les alliés furent obligés d’évacuer la base.

Les communistes retournèrent à Saigon le 25 mai lançant une deuxième vague d’attaques sur la ville, sans viser cette fois les installations américaines. Les combats les plus intenses se déroulèrent encore à Cholon. Le 18 juin, 152 communistes se rendirent, le plus gros chiffre de la guerre. 87 000 habitants supplémentaires se retrouvèrent sans abris, 500 furent tués et 4 500 blessés. Pendant la deuxième phase (5 mai - 30 mai) les pertes américaines s'élevèrent à 1161 KIA et 3954 WIA. 143 soldats sud-vietnamiens furent tués et 643 blessés.
La phase III de l’offensive commença le 17 août, les  I, II, and III CTZ furent attaquées. Pendant ces actions seules des forces militaires de l’ANV participèrent. Des attaques aux frontières firent diversion pour lancer des actions au sein des villes.
Saigon fut à nouveau attaquée mais les assaillants furent une nouvelle fois repoussés. En cinq semaines de combat et la perte de 20 000 combattants, pas un seul objectif n’a été atteint par l’ANV pendant cette phase dite « finale et décisive ».

Les importantes pertes et souffrances endurées par les soldats communistes durant toutes ces opérations commencèrent à se faire sentir. Le fait qu’aucun gain militaire ne venait justifier l’effort fourni et le sang versé exacerba cette situation. Durant la première moitié de 1969, plus de 20 000 communistes rallièrent les forces alliées.
En Juin 1969, les pertes communistes liées à l’offensive du Têt et ses récurrences se montaient maintenant à 75 000 hommes et le moral bâtait de l’aile même au sein des cadres du parti à Hanoi.

L’échec militaire communiste et la disparition du VC comme force militaire

Le moral du VC avait chuté en 67 suite au retrait forcé de ses unités principales sous la pression de la stratégie d’usure de Westmoreland. Les unités VC manquaient de ressources dans la chaine de commandement pour exécuter des missions impliquant la coordination de plusieurs divisions en même temps.
Le plus grand perdant de l’offensive du Têt fut le VC, même si une grande partie des actions menées à Khe Sanh le furent par l’ANV, les forces VC furent à la manœuvre en première ligne pour la plupart des attaques dans le sud et subirent les pertes les plus lourdes. L’infrastructure de la guérilla mise en place depuis des années fut balayée, après le Têt la guerre fut dirigée entièrement à partir du Nord et le VC ne fut plus jamais en capacité de redevenir une force militaire significative sur le terrain.  
La réponse alliée aux assauts VC dans les villes détruisit virtuellement la force militaire de combat du VC. L’offensive du Têt  décima les rangs communistes de l’encadrement VC. Les cadres du parti VC furent sévèrement atteints, le commandement du bureau politique et les leaders du COSVN reconnurent officiellement le 1 février que l’offensive du Têt avait échouée à atteindre ses objectifs et que les forces communistes n’étaient pas parvenue à maintenir l’occupation du sud-Vietnam.
En lançant une offensive si intense et étendue, les forces communistes avaient dû s’éparpiller sur tous les fronts aboutissant dans certains cas à des attaques menées par des unités minuscules luttant de manière désespérée.

Militairement le Têt fut un désastre tactique pour les communistes. À la fin du mois de mars 68 aucun de leurs objectifs n’avaient été atteints. L’offensive du Têt fut une défaite cuisante d’un point de vue tactique pour les communistes. Il y a plusieurs raisons expliquant l’échec du plan de l’offensive du Têt. Les leaders communistes n’avaient pas bien compris la nature de la guerre du Vietnam, le sud-Vietnam n’était pas au bord de la rupture vers une révolution et un effondrement  en ce début d’année 68 comme ils l’espéraient. Ils avaient sous-estimé l’opposition du sud-Vietnam au communisme et le soutien au gouvernement local et fondé leur offensive sur des suppositions qui s’avérèrent rapidement fausses. Le peuple sud –vietnamien ne se souleva pas pour rallier les communistes mais bien pour défendre son gouvernement local, notamment face aux violences perpétrées par les communistes lors des attaques, dans ce cadre d’émulation les unités de l’ARVN ripostèrent et dans certains cas vigoureusement et ne jetèrent pas les armes. La réaction de l’ARVN surprit l’ANV par son esprit de corps et son unité au combat. Aucune défection de masse ou ralliement à la cause communiste  n’eut lieu. Après le choc initial de l’offensive la réponse fut efficace et coordonnée sur les différents champs de bataille concernés.
Par ailleurs les forces communistes échouèrent dans leur stratégie de surprise car les premiers signes au Nord-Vietnam furent directement anticipés par les forces alliées leur donnant du temps pour organiser les systèmes de défense.

L’impact sur les USA et leur politique

Paradoxalement jusqu’à l’offensive du Têt les USA n’avaient pas de stratégie globale spécifique pour la guerre du Vietnam (pour intégrer aussi bien la dimension des opérations militaires menées et celle de la pacification) autre que l’approche opérationnelle d’usure de Westmorland.
Le débat d’ampleur national qui secoua les USA après les premières attaques communistes du Têt suggéra que le peuple américain n’apporterait pas son support à une guerre longue, indécise, et sans but précis. En fait l’opinion publique américaine fut totalement abasourdie par les attaques nord-vietnamiennes, les leaders du gouvernement US l’avait persuadée que la guerre était en train d’être gagnée, ce qui au final était vrai à la fin de l’année 1967.  L’opinion publique subit une sorte de dislocation psychologique à cause de l’offensive du Têt. La réalité des attaques, du moins l’image qu’en rapportèrent les médias, était presque à l’opposé de celle qu’avait en tête le peuple américain. Aucun civil n’avait imaginé qu’une attaque coordonnée de cette ampleur et de cette violence puisse avoir lieu.
Les médias étaient présents sur le terrain, couvrant pour la première fois une guerre « en direct » et avaient un pouvoir immense pour influencer l’opinion et donc également en partie les choix du gouvernement. Malheureusement la présentation des faits ne fut souvent pas assez étayée par la plupart des journalistes, se contentant de relayer des informations parcellaires voire inexactes déjà communiquées par d’autres, sans le recouper de manière complète et donc présentant une situation très négative tout en n’osant pas après coup corriger les mauvaises informations afin d’éviter de jeter le discrédit sur la qualité du travail réalisé.
Cette présentation négative de l’offensive du Têt et de la guerre en générale atteignit fortement le moral du président Johnson. La couverture TV de la guerre du Vietnam en 68 détruisit le moral des américains et sema le doute dans l’esprit de nombre d’entre eux.

Le fort accroissement du pourcentage de l’opinion publique en défaveur de la politique au Vietnam pouvait déstabiliser le gouvernement américain, ce qui conduisit à la panique et à augmenter la pression d’un retrait des troupes. Le pourcentage de la population soutenant la politique passa durant la période de l’offensive du Têt de plus de 40% à 26%.
Bien que l’offensive générale ne parvint pas à mettre à mal le gouvernement du sud-Vietnam, elle brisa le soutien de l’opinion publique américaine, et les communistes continuèrent à exploiter cette situation en instrumentalisant les pertes américaines, les mouvements anti-guerre et les opposants au congrès à la politique menée en Asie du sud-est. A partir de ce moment-là, la Vietnamisation fut mise en avant par l’administration Johnson afin de répondre aux pressions de plus en plus grande de l’opposition et non du fait des capacités au combat de l’ARVN devenues de plus en plus importantes.

Le Têt marqua donc un changement majeur dans la politique américaine avec le début d’un désengagement progressif, un transfert de responsabilité au gouvernement Sud-Vietnamien,  l’accroissement des actions de pacification, et un objectif de négociation de paix avec le Nord.
Giap avait eu donc bien raison sur un point, l’ennemi américain n’avait pas la volonté, d’un côté les USA avaient infligés une défaite tactique sans précédent aux communistes mais de l’autre paradoxalement cela avait rapporté aux mêmes communistes une victoire stratégique provoquant le tournant de la guerre.
Alors que, après cette victoire tactique d’envergure, le staff de Westmoreland avait préparé un plan pour réclamer 206 000 soldats supplémentaires dans le but de mettre fin à la guerre et en toute logique l’emporter, le plan fit l’objet d’une fuite à la presse et l’histoire se retrouva à la une du New York Times du 10 mars 1968. Ayant en mémoire les images récentes de l’ambassade des USA assiégée, la presse et le public en conclurent, une nouvelle fois à tort, que ce renfort de troupes était destiné à venir compenser les pertes suite à la « défaite majeure » américaine lors du Têt.  
L’ampleur de l’offensive avait révélé la nécessité d’un engagement plus fort de l’administration américaine avec plus d’hommes et de ressources encore que ce qu’elle était prête à investir.
Le 31 mars 1968, Johnson annonça qu’il ne se présenterait pas pour un second mandat présidentiel, déclara une halte dans les bombardements sur le nord-Vietnam (à part une petite portion au-dessus de la DMZ) et exhorta Hanoi à accepter des négociations pour la paix.

Dans le même temps, avec un niveau de 525 000 soldats déjà déployés, une commission présidentielle dirigée par un nouveau secrétaire à la défense refusa la requête du général Westmoreland d’envoyer les soldats supplémentaires.  
Ce fut-là la une des premières étapes visibles et concrètes du tournant définitif de l’engagement militaire américain au Vietnam, l’objectif principal du gouvernement US devenant la Vietnamisation/Pacification, pour quelques temps plus tard aboutir à un objectif de désengagement pur et simple des troupes US du bourbier Sud-Asiatique, avant d’enfin finir par abandonner le gouvernement Sud-Vietnamien à son triste sort en arrêtant de libérer les budgets prévus pour le financement de ses actions.
Sans ressources gouvernement Sud-Vietnamien ne pouvait pas tenir longtemps, et logiquement l’annexion du Sud en 1975 fut réalisée par des communistes à nouveau galvanisés, menant à l’évacuation du dernier contingent américain et de quelques sud-vietnamiens privilégiés, par hélicoptère à partir du toit de l’ambassade américaine de Saigon, lors de l’opération Fréquent Wind le 30 Avril 1975.