Pourquoi la guerre du Vietnam ?

Introduction

La guerre au Vietnam fut la plus longue du 20ème siècle s’étalant sur plus de 30 ans de 1945 à 1975, de nature complexe elle mêla des problèmes de colonialisme, nationalisme, communisme et des luttes d’influences des grandes puissances. C’est aussi une guerre importante car l’échec américain mit fin à la politique d’endiguement du communisme à travers le monde, démarrée au sortir de la seconde guerre mondiale.

L'ère Roosevelt et la création de l'ONU pour favoriser la paix

Cette politique forcenée d’endiguement du communisme partout dans le monde menée par les États-Unis eut tendance à faire oublier que l’Amérique était avant tout un pays d’isolationnisme traditionnel cherchant le développement de son nouveau continent et à bâtir un havre de paix pour les émigrés. Elle n’avait pas pris part à la conquête des colonies d’Afrique ou d’Asie. C’est en fait à cause de l’attaque sur son territoire par les Japonais à Pearl Harbor que l’engagement militaire américain fut déclenché pendant la seconde guerre mondiale.

Pour les États-Unis l’équilibre en Europe reposait historiquement sur la Grande Bretagne mais dans l’après guerre cette dernière était affaiblie et ne pouvait pas continuer à jouer ce rôle traditionnel pour le maintien de l’équilibre des forces.

Dans ce contexte les États-Unis poussèrent à la création de l’ONU et le président Roosevelt pensait que les grandes puissances alliées de la seconde guerre mondiale devaient en faire partie, y compris l’URSS. Il offrit donc à cette dernière des concessions exorbitantes au traité de Yalta en 1945 au lieu d’investir en force militairement par les Balkans pour réduire à néant l’URSS comme Churchill le souhaitait. Roosevelt donna en fait la possibilité à l’URSS de se renforcer et d’aider Mao Zedong dans sa conquête de la Chine continentale.

Dans cette démarche d’équilibre et de paix, Roosevelt n’appréciait pas les possessions coloniales françaises qui risquaient de compromettre la paix et notamment celle de l’Indochine à cause de sa situation stratégique à la jonction de l’océan Indien et du Pacifique.

Il souhaitait mandater les pays colonisateurs, avec un suivi par l’ONU, et laisser le temps nécessaire à la Corée et à l’Indochine notamment, pendant environ 25 ans pour se développer et finir par s’auto administrer.

L'ère Truman ou le retour à une géopolitique classique

L’arrivée de Truman à la présidence, à la mort inattendue de Roosevelt en 1945 changea cette politique du tout au tout. Le 8 mai 45 les États-Unis donnèrent l’assurance à la France du respect de sa souveraineté en Indochine. Cette « bénédiction » sema le trouble pour certains croyant que les États-Unis soutenaient donc la France contre le Vietminh alors que ce dernier ne prit le pouvoir au Vietnam que 3 mois après cette date.

La politique de Truman emplie d’un désir profond de retour à l’isolationnisme, visait surtout à rétablir la puissance des grands états européens pour maintenir l’équilibre des forces entre l’Europe et l’URSS afin de permette aux États-Unis de se maintenir à nouveau en retrait.

Après avoir temporairement apporté leur soutien au Vietminh pour rejeter les troupes japonaises du Vietnam, avec la fin de la seconde guerre mondiale Les États-Unis se désintéressèrent de l’Indochine restant sourds aux appels de l’empereur Bao Dai au Sud, ou à ceux du Vietminh au Nord souhaitant chacun de l’aide dans leur quête d’indépendance. Cette politique ne changea pas même lorsque le conflit éclata entre la France et le Vietminh fin 1946.

La guerre froide et la « Théorie des Dominos »

Mais progressivement, avec la montée de la guerre froide, les États-Unis se rangèrent au coté de la France car le Vietminh était communiste et que la politique américaine était l’endiguement de cette idéologie politique.

Cette tendance américaine se marqua encore plus visiblement lorsque la Chine passa sous contrôle communiste de Mao Zedong en 1949.

Dès 1950, le gouvernement américain annonça que l’aide militaire à la France serait dorénavant fournie de manière directe pour une utilisation dans la guerre d’Indochine. Le début de la guerre de Corée en 1950 mena le gouvernement américain à considérer la guerre d’Indochine comme le second front du monde libre contre le communisme international.

De ce fait le MAAG fut créé et établit à Saigon, et entre 1950 et fin 1953 l’aide américaine s’éleva à 2,6 milliards de dollars soit environ 80% du coût total de la guerre à cette époque.

En fait dans les années 50 la Chine et l’URSS, les deux grandes puissances communistes, apparaissent aux yeux de l’Amérique comme un bloc important contrôlant de vastes populations et disposant d’un potentiel militaire menaçant, dont la bombe atomique pour l’URSS. Ce sentiment était renforcé par l’accord de collaboration de 30 ans signé entre les deux Empires. Dès le début de l’année 50 la reconnaissance officielle de la république démocratique du Vietnam d’Ho Chi Minh avait été réalisée par les deux nations communistes.

Mais c’est surtout la guerre de Corée et son déroulement qui fit basculer les États-Unis dans la « Théorie des Dominos » les persuadant que la perte d’un état en Asie du Sud-Est entraînerait une réaction en chaîne et l’avènement du communisme.

Cette théorie s’intensifia après l’invasion de la Corée du Sud par le Nord, les États-Unis, sous l’égide de l’ONU, s’engagèrent militairement pour repousser les Nord-Coréens au delà du 38 ème parallèle mais lorsque les États-Unis décidèrent de s’attaquer directement au Nord il se heurtèrent aux forces chinoises déferlant telle une marée humaine avec des troupes 6 fois plus importantes (600 000 hommes) que le contingent de l’ONU. Et les forces alliées ne réussirent en fin de compte qu’à stabiliser la répartition et le statut quo le long du 38 ème parallèle.

La conférence de Genève et la création de l'OTASE

Dans cette optique de lutte contre l’expansion communiste, lorsque la France, malmenée en Indochine, inscrivit à l’ordre du jour de la conférence de Genève, la paix en Indochine, le gouvernement américain y était opposé de peur d’un renforcement du communisme dans cette partie du globe.

Il voulait la poursuite de la guerre mais ne souhaitait pas une participation directe des troupes américaines dans celle-ci.

C’est pourquoi lorsque la France demanda en avril 54 l’intervention aérienne américaine dans un projet intitulé « opération Vautour » au moment ou Dien Bien Phu était sur le point de tomber, le gouvernement d’ Eisenhower refusa d’y donner suite entraînant inéluctablement la défaite française. Si cette opération avait été déclenchée, le cours de la guerre aurait peut-être été différent car le siège de Dien Bien Phu aurait pu être brisé par les bombardements massifs de l’USAF.

La conférence de Genève s’ouvrit le 8 mai, le lendemain de la défaite de Dien Bien Phu ou la France perdit 16 000 hommes.

La seule carte à jouer qui restait à la France pour négocier, était de brandir la menace d’une intervention américaine afin de tirer son épingle du jeu lors des négociations mais les États-Unis ne l’entendaient pas de cette manière et ne soutinrent pas la France dans cette voie.

C’est uniquement grâce à un "allié" inattendu en la personne de la Chine que Pierre Mendès France réussit à arracher une partition du Vietnam le long du 17 ème parallèle, laissant le Nord sous contrôle Vietminh et aboutissant au retrait de la France.

Cette pseudo alliance et le rôle de médiateur de la Chine s’expliquait par la volonté de la Chine de freiner les ambitions du Vietminh et de l’empêcher d’étendre son contrôle, se disant qu’une Indochine morcelée permettrait plus facilement l’expansion chinoise dans le Sud Est Asiatique.

Au lendemain de l’accord de Genève en 1954 les États-Unis, craignant l’expansion du communisme après la victoire du Nord au Vietnam, poussèrent à la création de l’OTASE (Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est ou SEATO en anglais) qui fut signée le 8 septembre 1954, soit seulement 48 jours après les accords de Genève, par les États-Unis, la France, la Grande Bretagne, l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Pakistan, les Philippines et la Thaïlande. Un protocole d’accord annexe étendait cela au Laos et au Cambodge, mais alors que pour l’OTAN en Occident, l’attaque d’un pays équivalait à l’attaque de tous les pays, pour l’OTASE, cela voulait dire un vote au parlement pays par pays pour voir la suite à donner. Par peur de la réaction en chaîne de la « Théorie des Dominos » et suite à leur expérience de la Corée, les États-Unis étaient persuadés que la Chine renouvellerait son engagement militaire au Vietnam et de ce fait, pensant que le véritable ennemi était la Chine, n’osèrent jamais réellement emprunter la voie de l’engagement d’opérations terrestres en dehors du Sud-Vietnam. Ils n’eurent jamais une réelle volonté de renverser le régime communiste du Nord ni d’entreprendre des actions près de la frontière Chinoise.

L’avènement d'Ngo Dinh Diem au Sud-Vietnam

Après la partition du Vietnam, l’Amérique entra en scène au Sud-Vietnam au coté de Ngo Dinh Diem intronisé chef du gouvernement par l’empereur Bao Dai.

La décision d’Eisenhower de fournir de l’aide directe au Sud-Vietnam s’expliquant en grande partie par le fait que les États-Unis étaient conscients que l’indépendance réelle du Sud-Vietnam nationaliste était indispensable pour assurer le succès dans la lutte contre le Vietminh se posant comme grand champion de l’indépendance et ayant réussi à mobiliser le patriotisme vietnamien, même chez les non communistes, contre le rétablissement de l’ancien régime colonial.

Diem voulait également atteindre cet objectif d’indépendance et se lança, contre l’avis américain, dans une lutte contre les sectes regroupées dans un front uni des forces nationalistes, dont les Binh Xuyen, qui s’opposaient à lui.

Contre toute attente et après une période troublée, il réussit à stabiliser son pouvoir en battant les Binh Xuyen et ralliant la secte Cao Dai à sa cause.

Diem lança alors en octobre 1955 un référendum pour laisser le choix au peuple entre lui-même et l’empereur Bao Dai installé en France, il sortit vainqueur à une écrasante majorité. Diem, qui, a cette époque était en froid avec les États-Unis se retrouva porté aux nues comme le héros de indépendance et retrouva le soutien des américains.

Les changements d’opinion dont avaient fait preuve les américains finirent de convaincre Diem que les États-Unis se rangeaient toujours derrière le vainqueur pourvu qu’il soit anticommunistes.

Il considérait également que les américains étaient superficiels et sans aucune connaissance réelle du Vietnam et de ses problèmes véritables.

De ce fait il devint au fil du temps totalement imperméable aux conseils ou mises en garde des américains malgré l’importante aide qu’ils versaient à son régime.

Cet état d’esprit entraîna plus tard de lourdes conséquences pour le Sud-Vietnam lorsque Diem commit d’importantes erreurs à la tête du pays en établissant une pseudo république démocratique cachant un régime dictatorial, s’appuyant exclusivement sur les membres de sa famille dont son frère Ngo Dinh Nhu. Diem s’enfonça dans un refus complet de conseils et pressions de toutes parts même celle de son principal créancier, les États-Unis d’Amérique.

L'entrée en scène des États-Unis au Sud-Vietnam

Cependant au début des années 60 sous la présidence Kennedy commença l’américanisation, avec l’envoi contre l’avis du président Sud-Vietnamien de conseillers militaires.

Durant l’année 1963 éclata l’affaire bouddhiste qui allait amener Kennedy à lâcher Diem et à encourager un coup d’état pour le renverser.

En effet, le gouvernement de Diem pratiquait une discrimination permanente et manifeste envers les bouddhistes qui représentaient pourtant 90% de la population du Sud-Vietnam. En plus de cela un les catholiques jouissaient d’un favoritisme extrême se voyant offrir la plupart des fonctions à responsabilité dans le gouvernement. Cet état de fait finit par aboutir à des soulèvements bouddhistes sans précédent.

Cette discrimination ne venait pas seulement du fait que les Ngo étaient profondément catholiques mais également du fait que, dans leur perception, le bouddhisme, à cause d’une organisation très lâche dans la hiérarchie des bonzes ne constituait pas une garantie suffisante pour contrer le communisme en plein essor au Nord.

La tension importante entre les deux camps religieux explosa en fait lors de l’anniversaire de Bouddha en mai 1963 à Hué ou les libertés des bouddhistes furent entravées par le gouvernement, cela mena à des manifestations importantes qui furent réprimées fermement. S’en suivit en juin la désormais célèbre immolation par le feu d’un bonze en signe de protestation dans un quartier fréquenté de Saigon devant les journalistes étrangers. De ce fait les photos firent le tour du monde heurtant notamment fortement l’opinion publique américaine.

Diem, ne voulant pas paraître faible et ne souhaitant pas céder aux revendications bouddhistes, prit le parti du durcissement, décidant d’instaurer la loi martiale pour rétablir l’ordre et lançant une attaque contre les pagodes à Saigon et à Hué pour emprisonner les leaders et militants influents bouddhistes.

Cette action entraîna le gouvernement américain à prendre parti officiellement contre le régime de Diem, Washington estimant alors que la lutte contre le communisme ne pouvait plus être gagnée par un régime s’opposant ouvertement aux bouddhistes largement majoritaires dans la population. En novembre 1963 un putsch, avec l’appui de la CIA, renversa le régime, Diem et son frère Nhu y perdirent la vie. Dans la même période Kennedy fut assassiné à Dallas. S’en suivit alors une période troublée car les juntes militaires qui prirent le pouvoir successivement au Sud-Vietnam n’avaient aucune expérience ni aucune politique pour maintenir le pays dans la stabilité.

Face à la poussée du VC le gouvernement américain conclut que le seul moyen d’empêcher le Sud- Vietnam de passer sous le contrôle communiste était de s’investir directement dans la stabilisation du Sud et donc de participer directement à la guerre, ce qu’ils avaient soigneusement éviter de faire durant la première guerre d’Indochine.

L'erreur stratégique américaine, et le début de la guerre du Vietnam...

Deux stratégies s’offraient alors aux américains :

soit une opération de sauvetage à objectif limité, sans devenir un opposant direct à Hanoï, mais pour empêcher les communistes de prendre le Sud en profitant du chaos ambiant, dans le but de donner ainsi le temps au Sud de se réorganiser en renforçant son potentiel de défense.

soit l’engagement direct de forces américaines pour combattre ouvertement Hanoï en escomptant sur le fait que l’étalage de la toute puissance américaine forcerait les communistes à respecter le 17 ème parallèle comme cela avait fonctionné avec les Nord Coréens dans le respect du 38 ème parallèle.

Du fait de la forte croyance américaine dans la « Théorie des Dominos », c’est la seconde solution qui fut choisie par le président Johnson, mais elle ne mena pas à la stabilisation comme le pensaient les États-Unis. Elle précipita l’Amérique dans un conflit meurtrier d’une dizaine d’années avec la conclusion que l’on connaît.

En effet, cette théorie était en réalité parfaitement fausse surtout appliquée au Vietnam, et trahissait une méconnaissance flagrante des américains quant au passé du Vietnam.

Il s’agissait d’une erreur d’appréciation majeure en termes de géopolitique et de connaissance de l’histoire du Vietnam car bien qu’étant deux pays communistes il existait une profonde hostilité latente entre Hanoï et Pékin car le Vietnam avait lutté contre les Chinois dans le passé à maintes reprises afin de barrer l’accès de la Chine aux vastes greniers à riz du sud-est Asiatique et le Vietminh redoutait encore plus l’entrée des troupes chinoises colonisatrices que celles des États-Unis.

 

Si les États-Unis avaient eut une meilleure lecture de la situation et donc en engageant dès le début du conflit des actions massives au Nord plutôt que d’essayer d’éviter les infiltrations communistes au Sud, la guerre du Vietnam aurait probablement prit une autre tournure et, qui sait, aurait peut-être mené à une victoire sur les communistes.