Le Vietcong

"Viet Cong" est un terme vietnamien désignant le « communiste vietnamien » adopté dans les débuts du régime de Diem et revêtant un caractère péjoratif. Les américains, utilisant généralement l’abréviation « VC », et les officiels de Saigon s’y référaient pour définir n’importe quel membre militaire ou de la branche politique armée indigène (bien que sous la coupe de Hanoï) du mouvement communiste au Sud-Vietnam.

Le « Viêt-Cong/Viet Cong ou encore Vietcong », donc VC, était également appelé « Victor Charlie » par les américains en référence à l’alphabet phonétique international, puis simplement en plus court « Charlie ».

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Le VC était en fait le PLAF, la branche armée du FNL établit début 1961 après la décision des nord-vietnamiens d'augmenter le niveau des forces armées au sud-Vietnam. Comme pour le Viet-Minh précédemment, le PLAF ou VC, avait une force armée régulière opérant sous la direction du COSVN, des forces de guérilla permanentes et à mi temps et des milices pour l'auto-défense des hameaux et villages.
Le VC était différent et à distinguer des unités complètes et structurées de l’ANV déployées au Sud-Vietnam dès la fin de l’année 1964. Les « insurgés » avaient organisé plusieurs compagnies et quelques bataillons dès 1959, la majorité dans le Delta du Mékong et les provinces autour de Saigon. Au fur et à mesure que les forces militaire Vietcong se développaient, les attaques contre les forces paramilitaires, et à l’occasion contre l’ARVN, devinrent plus fréquentes. Beaucoup étaient conduites afin d’obtenir du matériel, des armes, des munitions mais également pour montrer l'incapacité du gouvernement du sud à protéger ses citoyens. L’agitation politique et les activités militaires commencèrent également à s’accélérer dans les hauts plateaux du centre ou les agents VC recrutaient parmi les tribues de montagnards.

 

En 1959 après une évaluation des conditions au sud, les leaders d’Hanoï décidèrent de reprendre la lutte armée lui donnant la même importance qu'aux efforts politiques pour saper le régime de Diem et réunifier le Vietnam. Pour attirer le nombre de plus en plus croissant d’opposants à Diem anti communistes ainsi que disposer d’une façade démocratique pour administrer les politiques du parti dans des zones contrôlées par le Vietcong, Hanoï décida en Décembre 1960 de créer le Front National de Libération du Sud-Vietnam.

Le VC prospéra grâce à sa capacité à se rapprocher et à contrôler les citoyens qui formaient donc la partie la plus importante de leur soutien. La population fournissait la main d’œuvre pour supporter et étendre l’insurrection. Les membres des villages servaient à la guérilla de première ligne de résistance contre l’intrusion du gouvernement dans les zones aux mains des communistes. En comparaison de ses efforts politiques, les objectifs strictement militaires du VC étaient secondaires. Les insurgés n’avaient pas pour objectif final de détruire les forces gouvernementales mais le faisaient lorsque des éléments plus faibles de celles-ci pouvaient être isolés et battus. Cependant cela restaient des actions limitées afin de conserver et étendre l’influence sur la population. En effet en mobilisant la population, le VC compensait son manque d’effectifs et de matériel. La règle de base selon laquelle 10 soldats étaient nécessaires pour lutter contre une guérilla reflétait la politique des insurgés bien plus que leur supériorité militaire. Pour le gouvernement de Saigon la tache consistant à isoler le VC de la population était difficile dans tous les cas et impossible à achever en utilisant uniquement la force. Chez le VC les missions étaient assignées et approuvées par l’officier politique qui, dans la plupart des cas, était le supérieur du commandant de l’unité. Les règles du parti, la discipline militaire et la cohésion d’équipe étaient inculqués à tous et garantis par la présence des cellules de 3 membres du parti dans chaque unité. Parmi les insurgés la guerre était toujours au service de la doctrine du parti.

 

Jusqu’à environ 1960, le VC employait des petites unités afin d’exécuter des missions de terreur : assassinats, kidnappings, destruction… En 1960 la première attaque d’une force de la taille d’un bataillon fut conduite par le VC. En 1961 le nombre d'attaques de ce type avait augmenté en fréquence et ces dernières étaient coordonnées à un niveau multi-bataillons. Afin de contrer l’insurrection grandissante, le gouvernement du sud-vietnam augmenta ses effectifs militaires, ses forces paramilitaires et son programme de pacification. La combinaison des forces ARVN/US Army amena une évolution des forces engagées dans la bataille dès la fin 1962. Cependant avec le tourmente politique grandissante au printemps 1963, suivi par la chute de Diem en novembre les efforts militaires de l'ARVN furent mis à mal. Beaucoup de hameaux stratégiques initialement aux mains des gouvernementaux passèrent à l’ennemi avec des disparitions subites d’armes et mêmes l’évanouissement pur et dur dans la nature, au profit de l’ennemi, de certaines unités locales paramilitaires. Après 1959, le personnel infiltré en provenance du Nord devint lui aussi important. Hanoï activa une unité militaire spéciale pour le transport logistique contrôlant les infiltrations au travers du pays le long de la piste Ho Chi Minh à travers le Laos et le Cambodge. Et une unité navale spéciale fut aussi mise sur pied pour l’infiltration par la mer. Au début, ces infiltrés étaient issus du Sud Vietnam, d'anciens soldats Viet-Minh qui s’étaient regroupés au Nord après la guerre d’Indochine.  Chaque année jusqu’en 64 des milliers d’entre eux retournèrent au sud pour rejoindre ou même former des unités VC, la plupart du temps dans les régions dont ils étaient originaires. Ils y servaient comme militaires expérimentés, cadres politiques, techniciens ou soldats lorsque le recrutement local était difficile. Lorsque le nombre de ces regroupés (environ 80 000) fut épuisé, Hanoï commença à envoyer des soldats de l’ANV réellement natifs du Nord à des fins de remplacement ou de renforcement.

 

Dès 1964, les bataillons Vietcong se transformèrent en régiments et les régiments en divisions. Tard dans l’année 64, le 271ème et le 272ème régiments VC fusionnèrent et furent équipés de nouvelles armes chinoises et soviétiques pour former la 9ème division VC.La nouvelle 9ème division montra sa valeur dans la bataille de Binh Gia un petit village catholique sur la route interprovinciale n°2 à 65 km au sud-ouest de Saigon. Le 28 décembre 64 et sur les 3 jours qui suivirent, le VC, suite à une embuscade, détruisit presque le 33ème bataillon de Rangers et le 4ème bataillon de Marine de l'ARVN leur infligeant des pertes lourdes ainsi qu'aux forces blindées envoyées en renfort. Les VC réorganisés et ré-équipés étaient si confiants qu’ils affrontèrent 4 jours durant en bataille rangée l’ARVN plutôt que de pratiquer leur habituelle technique de guérilla de type « hit and run », frapper et disparaître. Cette bataille fut un événement majeur pour les deux protagonistes. Le VC le voyant comme le début de la phase finale de la guerre et l’ARVN comme le début d’un engagement militaire qu’il savait ne pas pouvoir gérer seul.

En 1964, les communistes commencèrent à introduire des unités complètes de l’ANV dans le Sud. Parmi ces infiltrés on retrouvait des cadres senior du parti qui tenait en main l'expansion du système de commandement du VC, à savoir les quartiers généraux régionaux, le commandement interprovincial et le COSVN : commandement suprême politique et militaire. Le COSVN en tant que branche au sud-vietnam du parti communiste vietnamien était directement dirigé par le comité central à Hanoï. Ses responsables étaient des hauts officiers de l’ANV. Afin d’équiper le nombre croissant de VC au Sud, les insurgés continuèrent à s'appuyer massivement sur les armes et matériels prises aux forces du sud-vietnam. Mais un nouvel approvisionnement bien plus important et grandissant, en armes, munitions et équipement arrivait maintenant également du Nord, la plupart en provenance du bloc Sino-Soviétique.

 

L’augmentation permanente de l’insurrection ne reflétait pas seulement les capacités des nord-vietnamiens à infiltrer au Sud des armes et des troupes mais aussi l’incapacité du Sud à contrôler ses frontières poreuses, l’échec de Diem à développer un programme crédible de pacification afin de réduire l’influence VC dans les campagnes ou encore les difficultés de l’ARVN à réduire l’implantation permanente des bases et zones secrètes du VC. En fait ces installations du VC au Sud ne faisaient pas que faciliter l’infiltration elle permettaient aussi de de fournir des aires de repos pour les opérations grâce à la présence de camps d’entraînement, d’hôpitaux, de dépôts, d’installation de formation et de centres de commandement. Beaucoup de ces bases étaient dans des zones reculées rarement visitées par l'ARVN comme par exemple la forêt U Minh des plaines de roseaux mais d’autres étaient implantées directement au cœur des zones peuplées dans des « zones libérées » ou les forces VC dispersées parmi les différents hameaux et villages étaient soutenues par l’économie locale. A partir de centres comme ceux-là les VC étendirent leur influence dans des zones adjacentes qui étaient pourtant officiellement sous le contrôle de Saigon.

 

La situation au début de l'année 65 était critique. Dans ces périodes de troubles dans la population, et avec l'instabilité politique depuis 1963 l'ennemi avait grandi en force et resserré son emprise sur les campagnes du sud-vietnam. Les forces ennemies estimées étaient passées de 30 000 en novembre 63 à 212 000 en juillet 65. Les unités de l'ANV et des renforts de matériel étaient maintenant présents et l’afflux par mois était d'environ 1000 hommes. Le VC et l'ANV bénéficiaient d'armes modernes comme l'AK-47 leur apportant une force de frappe supérieure à l'ARVN qui se battait toujours avec les armes américaines de la seconde guerre mondiale. La stratégie ennemie était évidemment fondée sur l'hypothèse que les Etats-Unis n'augmenteraient pas leur participation dans le conflit et que la faiblesse de l'ARVN entraînerait la chute du gouvernement du sud-vietnam.

C'est en 1965 que le premier engagement des forces régulières de l'ANV vu le jour au sud-vietnam. Au début du printemps, l'ARVN perdait environ un bataillon et un district de la capitale par semaine, c'est à cette période que l'engagement direct des forces américaines fut réclamé et commença réellement en juillet de manière substantielle. En août, les forces U.S. étaient engagées dans les combats mais seulement avec une force d'environ une division.A la fin de l'année, la 9ème division VC fit encore parler d'elle lorsque son 272ème régiment prit l'avantage sur le 7ème régiment de l'ARVN dans la plantation Michelin.

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L'offensive du Têt commença doucement à la mi janvier 68 dans la zone la plus reculée du sud-vietnam au nord ouest. Mais le 31 janvier les combats éclatèrent dans tout le pays, cependant les généraux de Hanoï n'étaient pas vraiment convaincus que cette offensive générale réussirait. Les forces VC en place, renforcée à la hâte par des nouvelles recrues et des guérilleros à temps partiel furent placés en première ligne. Le VC assuma le premier rôle dans l'offensive du Têt et subit environ 30 000 pertes. Le VC qui avait plus ou 300 000 hommes à la veille du Têt ne fut plus un acteur majeur après cet événement sur le terrain militaire. A part dans les provinces du nord, l'ANV resta sur le banc de touche prête à exploiter un éventuel succès. Espérant faire pencher à leur avantage les négociations, les dirigeants communistes avaient probablement des objectifs plus modestes comme celui de réasseoir l'influence VC et de saper l'autorité de Saigon afin de jeter le doute sur sa crédibilité en tant qu'allié des USA. A cet égard l'offensive était à l'attention des américains dans le but d’affaiblir leur confiance dans le gouvernement sud-vietnamien, de discrédité les revendications de progrès de Westmoreland et de renforcer le sentiment anti-guerre au sein de l'opinion américaine. Là encore le but principal était d'amener les USA à la table de négociations et d’accéder le désengagement de leur troupes au Vietnam.

 

Une fois le choc et la confusion dissipées, la plupart des attaques furent écrasées en quelques jours. Durant cette période cependant, les combats furent parmi les plus intenses du conflit. Abasourdi par ces attaques le support des civils au gouvernement Thieu se renforça plutôt que de s'affaiblir. Beaucoup de vietnamiens du sud pour qui la guerre restait une abstraction, bien que désagréable, étaient scandalisés. Capitalisant sur ces nouveaux sentiments, les leaders du sud-vietnam osèrent pour la première fois décréter une mobilisation générale. Le changement dans le comportement du VC, de la tolérance à contre coeur vers une résistance active offrit l'opportunité de créer des nouvelles organisations de défense locales et d'attaquer les infrastructures communistes. Stimulés par les américains, les sud-vietnamiens commencèrent à revitaliser la campagne de pacification. Plus important encore le VC subit une défaite militaire majeure perdant des milliers de combattants expérimentés et de cadres politiques chevronnés affaiblissant ainsi sérieusement les insurgés dans le sud. Les forces VC affaiblies optèrent pour une position défensive pendant qu'elles se reconstruisaient ou étaient remplacées par des troupes de l'ANV.

 

En 1972, bien que certaines des formations nord-vietnamiennes portaient encore la désignation traditionnelle du VC les divisions furent organisées et équipées comme une force principale de l'ANV aux mains de soldats de l'ANV descendus au Sud par la piste Ho Chi Minh. Le VC joua un faible rôle dans l'offensive de 1975 qui conduisit à la chute du Sud-Vietnam. Après la guerre les unités VC restantes furent démantelées et intégrées dans les forces de l'ANV.